C’est peut-être une façon bizarre d’aborder le sujet et pourtant c’est un peu de cela qu’il est question.

Quand on aborde la notion du geste, il y en a qui s’énoncent facilement, comme des évidences, des gestes inscrits dans nos pratiques, nous pourrions dire innés, transmis de générations en générations.

Déposer une fleur après une inhumation, le geste de la lumière à l’église n’ont plus besoin d’être investi, ils font partie du décor, d’un accord. On les fait naturellement.

Il y a toutefois quelque chose à remarquer. Ce qui est commun à chacun de ces gestes c’est qu’ils sont envisagés SUR, au-dessus.

Et si nous commencions à envisager les gestes SOUS, au-dessous. Les gestes en amont, ceux qui vont permettre d’accueillir, ceux qui vont préparer le lit, là où l’autre va reposer. Déposer pour mieux reposer.

DEPASSER LES CADRES

Que ce soit un cavurne, une fosse pleine terre, un caveau, un cercueil, il y a là quelque chose de rugueux, de froid. Pourquoi ne pas se réapproprier ces espaces pour en faire quelque chose de beaux, de doux, de personnel, quelque chose qui fasse sens.

Et si nos sens pouvaient nous ouvrir sur une façon de nous réapproprier chacune des étapes.

Et si le regard, ce qui doit être vu, pouvait guider nos gestes, nos pratiques. N’y a t-il pas là une façon d’envisager de nouvelles portes, de nouveaux sas pour accompagner le chemin des obsèques.

Le cavurne mesure 60×60, le caveau 2,12 mètres pour la longueur et 78 centimètres pour la largeur, le cercueil standard 1m85 pour une largeur de 54 pour une hauteur de 33 (si c’est un Parisien).

Là je suis sûr que vous pensez à ce croque mort cher à Morris dans Lucky Luke.

C’est en partant de ce constat froid que nous avons commencé à proposer aux familles de s’approprier ces cadres imposés. Dépasser les cadres, s’engager sur une autre façon de regarder les choses, c’est souvent ainsi que les choses commencent à la coopérative funéraire de Rennes.

Faire que les familles puissent concevoir ces espaces comme des domaines des possibles. Inviter notre regard à envisager les choses autrement.

Et si ce cavurne fait de béton était habillé autrement, et si sur ce capiton étaient déposé un tissu symbolique, un lit de mots, et si sur cette pleine terre nous y déposions une couverture fait de patchwork, un parterre de pompons !

ENVISAGER L’AMONT D’UNE CEREMONIE

Lors des obsèques, la communauté ne voit que la partie émergée de notre travail.

A la coopérative depuis longtemps nous invitons les familles à s’approprier les cercueils.

Chaque étape prend un sens dès lors que la famille l’investit. Pour nous cela ne s’est pas fait naturellement. Il nous a fallu prendre conscience de ce qui était sous-jacent à travers cela.

Ce sont les familles qui nous ont donné à voir les bienfaits de certains gestes par le sens qu’elles y ont apportés.

Envisager l’amont n’est pas évident car c’est un moment fragile, sensible, là où les émotions sont exacerbées.

C’est là où l’origine, la raison d’être des objets prend tout son sens. Et si les objets nous ouvraient vers d’autres horizons ! Et si les objets pouvaient être des catalyseurs d’émotions.

LES OBJETS ACTANTS

Déposer pour mieux accueillir : Accueillir ce moment que sera la mise en bière ou l’inhumation, se préparer à déposer à l’intérieur de, là où l’on va fermer. Se préparer au temps du passage de ce qui a été et ce qui sera.

Les objets utilisés lors de ces gestes s’inscrivent dans l’action.

Ils peuvent ne pas être anodins comme ces doudous appartenant au défunt ou ces poèmes, ces cartes postales déposées dans le fond du cercueil. Ils sont porteurs d’une histoire, d’un lien avec le ou la défunte.

Ils peuvent n’avoir aucun lien direct avec le défunt mais l’évoquer, pour créer le beau, le doux…une image. Cela peut être des fleurs, des pompons, de la couleur, des mots qui portent, du tissu qui accueille. Le lit ainsi préparé peut être de tout nature.

En offrant aux familles la possibilité de créer, d’imaginer ces gestes nous les ouvrons vers de nouvelles intentions. Il y a là la possibilité de s’approprier ce qui sera, autrement, en amont.

Préparer pour mieux reposer. C’est un peu cela que nous faisions avec nos enfants au moment du coucher. Border, embrasser, sécuriser ce moment pour permettre le repos.

Cela peut être étonnant mais ces gestes simples nous sécurisent nous aussi.