article écrit par Emmanuel Bouju
(membre de la coopérative, co-organisateur des Cafés Mortels)
Mourir dans la dignité, c’est un débat de longue date en France. Par l’euthanasie ou le suicide assisté, toujours interdit, ou par la sédation profonde, soumise à de stricts critères, la fin de vie en contexte de maladie reste compliquée.
Le débat sur la fin de vie a été relancé en avril 2021 avec la proposition de loi du député Olivier Falorni pour donner le droit “à une fin de vie libre et choisie”, dont l’examen n’a pas pu aboutir, à cause d’ un nombre trop important d’amendements déposés par 5 députés. L’euthanasie et le suicide assisté restent illégaux en France, contrairement en Europe aux Pays-Bas, à la Belgique, au Luxembourg et désormais à l’Espagne qui vient de dépénaliser ces parcours de fin de vie.
La loi en Belgique est en adéquation avec l’écoute du patient et le choix de sa mort : c’est lui qui décide
François Damas, médecin belge, pratiquant l’euthanasie.
En France, ils restent interdits alors que 93 % des français considèrent que la loi devrait autoriser le médecin à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes atteintes de maladies incurables ou insupportables, si elles le demandent.
C’est en fait une véritable démocratie sanitaire, dans laquelle il faut respecter la volonté du patient, au centre des décisions”./…/ Il s’agit de “mourir dans sa propre liberté, dans sa volonté.
Philippe Lohéac, délégué général de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)
Le patient doit être respecté dans son refus d’aller trop loin dans les traitements, notamment en cas de souffrance.
Marion Broucke, infirmière en soins palliatifs à l’APHP et membre de la Société française d’accompagnement et des soins palliatifs (Sfap)
Mais « est-ce le rôle de la médecine de donner la mort ? ». C’est cette question que se posent certains, et qui tentent d’y répondre en avançant le besoin d’accompagner la fin de vie plutôt que de la précipiter, avec des craintes d’en faire une sorte de norme.
La sédation profonde et continue pour les patients dont le pronostic vital est engagé à court terme, que permet la loi Leonetti (2016), reste insuffisante pour beaucoup.
Pourtant une nouvelle loi serait-elle vraiment la solution ?
Est-ce qu’une loi apportera vraiment la réponse à une question humaine, démocratique et digne ?
Emmanuel Hirsch. professeur d’éthique médicale, spécialiste de la fin de vie, auteur de Faut-il autoriser l’euthanasie ? aux Éditions First et de Vincent Lambert, une mort exemplaire ? aux Éditions du Cerf
Certaines associations dénoncent l’hypocrisie d’une aide à mourir passive quand eux la demandent active. Le sujet, au centre de plusieurs films récents dont celui de François Ozon, « Tout s’est bien passé » présenté à Cannes, est chronique, douloureux, éthique, intime, et sensible.
Parler ouvertement de la mort semble encore tabou, et le débat est complexe.