« Thanatopraxie » est un néologisme adapté vers 1960 par André Chatillon, à partir des mots « Thanatos » (θανατος, divinité grecque de la mort) et « praxein » (exécuter une opération manuelle au sens d’opérer). Il s’agit donc d’une chirurgie (au sens étymologique du terme) post-mortem, visant à conserver le corps d’un défunt. Jusqu’au milieu des années 1960, ce sont souvent des médecins qui pratiquent les « embaumements ».
La thanatopraxie remonte sans doute aux débuts de l’Antiquité avec les procédés chimiques de momifications notamment développés par les Égyptiens ou l’empire sankar alors que les Incas ou d’autres peuples du Pérou utilisaient la déshydratation naturelle. Ces peuples pensaient que préserver les corps permettrait aux âmes des morts de les retrouver ensuite. Les Égyptiens utilisaient en effet des techniques complexes pour préserver ces corps : ils extrayaient les viscères du défunt et les mettaient dans des vases dits canopes, ils conservaient le cœur dans le corps du défunt, ils laissaient ensuite le cadavre dans du natron sec durant 40 jours. Pour finir, ils enduisaient les chairs du défunt d’huiles pour les rendre plus souples et les parfumer, et ce n’est qu’après tous ces processus de conservation qu’ils enveloppaient le corps de bandelettes. Cette technique d’embaumement est aujourd’hui la plus connue dans le monde depuis les découvertes de la Vallée des Rois. Toutefois, pour ce qui est des peuples d’Amérique du Sud, la momification naturelle est souvent due aux conditions d’inhumation des défunts et aux pratiques funéraires particulières de certains peuples comme les Nazcas au Pérou.
Les corps les mieux préservés semblent dater de la dynastie Han en Chine à Mawangdui. On a cru que des sels de mercure et d’antimoine, qu’on pensait assez toxiques pour tuer tous les microbes expliquaient un exceptionnel état de préservation. Mais, les corps exhumés se sont vite dégradés. Ce sont plutôt les conditions de température et d’hygrométrie des tombes, et le fait que les cadavres aient été placés sous plusieurs couches de charbon de bois et d’argile qui étaient en cause. Ces momies sont aujourd’hui entreposées dans des chambres spéciales réfrigérées qui simulent les conditions d’origine dans lesquelles elles ont été découvertes pour éviter une nouvelle accélération de la putréfaction.
L’embaumement semble, en Europe, n’avoir été que rarement utilisé, par exemple pour le rapatriement des corps de croisés morts loin de chez eux. Des anatomistes de la Renaissance s’y sont essayés pour conserver leurs spécimens.
L’embaumement « artériel » est censé avoir été découvert aux Pays-Bas au xviie siècle par Frederik Ruysch, mais sa recette de liqueur balsamique préservative est restée secrète jusqu’à sa mort, et ses méthodes n’ont pas été largement copiées.
L’inventeur français Jean-Nicolas Gannal dépose en 1837 un brevet pour son procédé d’embaumement6. Son livre Histoire des embaumements, paru en 1838, est traduit en anglais en 1840 et devient le premier document publié aux États-Unis à propos de l’embaumement. Le docteur Holmes de New York, s’inspirant du procédé Gannal, est le père de la thanatopraxie en Amérique.
C’est à l’occasion de la guerre de Sécession qu’on a cherché à conserver les corps d’officiers morts loin de chez eux avant de les renvoyer à leur famille pour inhumation. Le Dr Thomas Holmes a été commissionné par le Corps médical de l’armée pour embaumer les cadavres des officiers morts de l’Union. L’armée a également permis à des embaumeurs civils privés de « travailler » dans les zones sous contrôle militaire. Le corps d’Abraham Lincoln a été embaumé avant son enterrement. C’est ainsi que les États-Unis deviennent le pays où la thanatopraxie est le plus à l’honneur.
En 1867, un chimiste allemand, August Wilhelm von Hofmann, découvre le formaldéhyde. Ses propriétés biocides ont été vite reconnues et il est devenu une des bases de l’embaumement artériel moderne. À la charnière du xixe et du xxe siècle, les embaumement artériels à base de formaldéhyde ont été poussés à la perfection par l’embaumeur italien Alfredo Salafia, qui mit au point une formule capable de conserver définitivement les cadavres, en mêlant notamment le formaldéhyde et le sulfate de zinc.
Au xixe et au début du xxe siècle l’arsenic a aussi été très utilisé avant d’être finalement supplanté par d’autres produits réputés moins dangereux pour les manipulateurs. On a aussi craint que des personnes soupçonnées d’assassiner par empoisonnement à l’arsenic puissent prétendre que les niveaux de poison trouvés dans le corps d’un défunt ne proviennent que de l’embaumement post-mortem plutôt que d’être une preuve d’homicide ou de suicide. Ce n’est que bien plus tard qu’on s’est interrogé sur les capacités de cet arsenic (non biodégradable) à polluer le sol et les nappes dans et autour des cimetières.
En France, la thanatopraxie semble apparaître dans les années 1960, avant de lentement se banaliser. Pour environ quatre cents thanatopraxies réalisées en France en 1963, cent mille ont eu lieu en 2003 dans ce pays. Certains estiment que 30 % des cadavres pourraient dans le futur être « thanatopraxiés », avec des taux très variables selon les régions et les populations concernées.
La thanatopraxie est une pratique distincte de la taxidermie. La thanatopraxie préserve l’intégrité du corps humain (hors fluides), alors que la taxidermie recrée la forme d’un animal en utilisant uniquement la peau et certains éléments de la créature.
Source wikipédia